Collaboration France – Québec : le modèle IPS au-delà des frontières !

Pouvez-vous nous présenter vos parcours professionnels ?

Mireille Valois : « Après avoir obtenu une maîtrise en service social, j’ai pu travailler, et ce depuis 22 ans, à l’Institut Douglas. Ce centre de recherche était l’implantation du modèle de soutien en emploi. Cela fait aujourd’hui 8 ans que je suis superviseur d’une équipe WFX à Montréal, au CIUSSS (Centre Intégré Universitaire de Santé et Services Sociaux.) de l’Ouest de l’Île de Montréal. J’exerce également le métier de jobcoach depuis 2001, ce qui me permet de travailler avec différentes clientèles et équipes de santé mentale. Je suis donc formatrice de l’Europe francophone : Suisse, France… »

Sonia Abelanski : « Avec une formation en droit et en gestion des entreprises, j’ai débuté ma carrière dans les RH et la formation professionnelle. Un moment important dans mon parcours a été mon expérience aux États-Unis, où j’ai eu l’opportunité de travailler aux côtés de Heidi Brooks sur des questions de discrimination et de leadership dans le domaine de la santé. Cette expérience a été transformatrice et a changé ma perception des processus de recrutement. Par la suite, j’ai eu l’opportunité d’intégrer l’équipe MARSS de l’APHM pour travailler sur le rétablissement par l’emploi et co-construire le projet collectif Working First  en collaboration avec Un chez-soi d’abord Marseille et le service de réhabilitation psychosociale du professeur Lançon. »

Comment a pu se développer le modèle IPS ?

MV : « Le modèle IPS a été implanté dès 1990 aux Etats-Unis avec notamment les recherches d’Eric Lamarque qui ont pu montrer son efficacité. Après avoir été amené au Québec, la méthode IPS a été proposée dans le monde entier à partir de 2001 (Norvège, Suède, Italie, Angleterre, Japon, Nouvelle-Zélande …). L’un des enjeux de cette méthode est de s’étendre à la prise en charge d’autres types de problèmes tels que l’autisme, la toxicomanie, la santé mentale des jeunes… »

SA : « Les pratiques orientées Rétablissement sont arrivées fin des années 2000 en France. Dans le sillage de la pair aidance, du Chez-soi d’abord et des pratiques “evidence based”, nous avons choisi d’expérimenter le modèle IPS à Marseille, partant du constat qu’il existait peu de solutions d’accompagnement à l’emploi en milieu ordinaire pour les personnes vivant avec des troubles psychiques sévères. Le service ayant obtenu de bons résultats, il a rapidement été sollicité  par d’autres acteurs de la santé mentale, de l’insertion professionnelle et du handicap pour essaimer le modèle via de la formation et des visites de fidélité. Le décret sur l’emploi accompagné de 2016 a donné une reconnaissance aux  pratiques d’emploi accompagné et d’autres acteurs  tels que Messidor, Handamos , L’ADAPEI 44, Ladapt Ouest, Interface Tours et bien d’autres ont contribué à son essor. »

Quelles ont été les avancées notables du modèle IPS dans votre pays ? 

MV : « Depuis 2018, nous collaborons avec The IPS Employment Center. Cela nous a par exemple permis de devenir formateurs francophones. Et depuis 2 ans, nous avons une équipe qui a ouvert l’accès aux services du soutien en emploi et d’études pour des jeunes de 12 à 25 ans. Ce public peut ainsi bénéficier des services de nouveaux centres, dont un soutien aux études. De nouvelles formations en ligne ont été créées, cela a fortement évolué. Grâce à la pluralité de nos échanges et présentations dans la communauté IPS, (par exemple avec la Communauté de Pratiques Santé Mentale et Travail CoP-SMT)  nous pouvons faire évoluer le regard sur la méthode IPS. »

SA : « En 2021, la Direction interministérielle du logement (DIHAL) a lancé le Programme COACH, une expérimentation du modèle IPS dans six villes ciblant les personnes vivant dans des CHRS. Cette initiative a créé des dynamiques territoriales notamment avec les équipes du Un chez-soi d’abord. D’autres programmes pilotes IPS ont  également  vu le jour dans le cadre du développement des centres de réhabilitations  psychosociales. En parallèle, le Working First et WFX Formations ont participé à la création du réseau Européen IPS et ont présenté leur candidature avec la DIHAL, la plateforme d’emploi accompagné girondine Handamos et Ladapt Ouest pour représenter la France au sein de  la communauté IPS internationale avec pour aboutissement le lancement de la communauté apprenante IPS France en 2022. Au sein du WFX formations, des formations de formateurs IPS ont été initiées avec de nombreuses actions de coopération visant à essaimer le modèle et les pratiques orientées Rétablissement. Et de nouvelles formations ont été proposées  pour s’adapter aux demandes émergentes comme celles des ESAT ou du service public de l’emploi. » 

Qu’est ce qui vous a le plus marqué avec le modèle IPS ? 

MV : « Sans hésiter, les témoignages de Rétablissement. Cela permet de réellement comprendre l’expérience de vie. Finalement, nous sommes tous ensemble face à la vie. »

SA : « C’est la somme des  impacts positifs  qu’il génère : auprès des personnes en soutenant leur rétablissement, auprès des job coach par la satisfaction professionnelle qui en découle, avec les  employeurs par l’évolution des collectifs de travail, auprès des directions pour le changement organisationnel créé,  au sein des familles par les perspectives qu’il provoque,  dans les services de santé pour le soutien thérapeutique qu’il apporte… Aujourd’hui je ne connais pas d’autres modèles qui offre un spectre de changement si large tout en s’appuyant sur des valeurs humanistes. »

Qu’est ce que vous appréciez le plus dans votre travail ? 

MV : « Le domaine de la santé mentale m’a toujours intéressé. J’ai su assez tôt que c’était ce que je voulais faire dans la vie car je voulais aider les personnes. Cela s’est précisé lorsque j’ai fait un stage à l’Institut Douglas. J’ai beaucoup aimé l’approche du Rétablissement. Aussi, le fait que je puisse toujours être sur le terrain est un aspect dans ma profession qui me plaît énormément. Cela me permet d’avoir une véritable approche sur le Rétablissement et de pouvoir mieux aider mon public, les travailleurs, pour des personnes atteintes de troubles psychiques. Avec les formations, j’ai le sentiment de pouvoir toujours grandir et  gagner en maturité. »

SA : « Mon travail a beaucoup évolué. J’ai d’abord appris le métier de job coach IPS, puis j’ai dû gagner en légitimité pour accompagner les structures. Ce qui me marque le plus, c’est la qualité des relations tissées au fil des années et la force du travail collectif. Qu’il s’agisse des personnes accompagnées ou de l’écosystème du Working First et du WFX Formations, ces liens sont autant de moteurs de petits et grands pas. De nombreuses personnes concernées, professionnels, collègues et formateurs m’ont inspirée, voire émerveillée, et donnent tout son sens à mon travail. »

Si vous deviez résumer ce que vous faites en quelques phrases, que diriez-vous ? 

MV : « Typiquement, mon travail consiste à superviser les jobs coachs et les formations. Mais c’est aussi d’être à l’écoute, savoir travailler avec ses forces, être dans le respect, croire à ce que l’on fait. C’est célébrer les valeurs d’espoir, de force et de persévérance. »

SA : « Mon rôle est de favoriser des changements organisationnels, collectifs et individuels afin de contribuer à une société plus juste et humaine, où chacun peut se rétablir et être authentiquement soi. »

Propos recueillis par Anne-Lise Kogler